Temple intérieur
Les plus grands temples sont intérieurs. Qui a dit cela ? Cela a somme peu d’importance, mais, en revanche, comprendre le fondement d’un tel énoncé n’es pas dénué d’intérêt. Voilà ce à quoi s’applique inlassablement l’artiste peintre Andréa Blanar depuis maintenant une quinzaine d’années.
Le temple intérieur dont il est question ici ne repose-t-il que sur la puissance de la métaphore qu’il suggère ? Ou alors, au-delà du sens usuel qu’on lui accorde spontanément, serait-il possible que la direction du rapport qu’il suggère soit inversée ? Que le temple que les humains- toutes époques et toutes religions ou croyances confondues- édifient a la gloire d’un dieu, soit, en réalité, le symbole, la métaphore du temple qui est en nous, et non l’inverse ? C’est en partie autour de ce questionnement que s’élabore et se tisse le propos plastique et pictural d’Andréa Blanar. Bien sûr, résumer à ces seules considérations la démarche d’une artistse aussi complète- et complexe- nous conduirait a faire fausse route, car ces réflexions premières appellent plusieurs nuances; s’y greffent par ailleurs un nombre non négligeable de pistes complémentaires. Plus important encore, il faut savoir que le véritable liant du propos de l’artiste reside en réalite dans le sens du sacré, dans l’echo qu’il suscite en nous. Blanar explore cette notions sans connotation religieuse, sinon en intégrant non pas une religion ou une croyance particulière, mais l’ensemble de celles-ci tout en s’interrogeant dire le sens même de l’acte de croire, sur son concept premier, dans sa dimension universelle, le verbe... S’il y a inévitablement une fin, c’est qu’il y a nécessairement eu un début ! Que faisons-nous donc dans cette galère??
Andréa Blanar compose le plus souvent l’espace pictural de ses toiles en imposant à ses paysages une structure qui évoque une fenêtre ou un portail. Cette construction devient dans le tableau le symbole du passage d’un monde a un autre, l’entrée du temple intérieur, la frontière entre le sacré et le profane. Du strict point de vue pictural, l’œuvre ainsi construit offre un mélange harmonieux entre la rigueur de la forme et la légèreté de la touche. Parmi les œuvres les plus marquantes de l’artiste, une série construite à partir de matériaux provenant d’églises ou de lieux sacrés qui ont été détruits se démarque. Le passage du temps laisse ses traces... Ici, tout prend encore d’avantage de sens, rejoignant une autre préoccupation de l‘artiste, soit l’alternance entre la destruction et la construction- la reconstruction-, celle causée par la guerre, le temps, celle du monde extérieur comme de celui qui s’édifie a l’intérieur de chacun d’entre nous. Rien n’est stable, tout bouge sans cesse, et pour Blanar, il reste toujours des plus grandes catastrophes et des plus effroyables destructions la marque du sacré, ne serait-ce que par l’extraordinaire capacité des choses à se renouveller continuellement. Voilà peut-être un sens concret à donner à l’éternité : rien ne se perd, rien ne se crée.
Le plus extraordinaire dans tout cela, c’est que, dans la démarche artistique d’Andréa Blanar, rien n’est gratuit, rien n’est issu d’une symbolique approximative, rien n’est même désincarné. L’artiste a aménagé son atelier d’été dans une église historique du Nouveau- Brunswick qu’elle a acheté il y a quelques annees, la sauvant ainsi du triste sort de la démolition. Comme quoi tout finit par se rejoindre…